dimanche 4 mars 2012

Mistaken for Magic

Nous sommes un dimanche classique de fin février. Je déguste quelques huîtres sur la glace, face à la dune du Pyla et les rayons du soleil caressent mon doux visage. Banal. Soudain, un coup de téléphone vient troubler la quiétude et la monotonie de cette fin d'hiver:

"-Ouais, allo c'est Gabs, dit mon interlocuteur, hyper enthousiaste, presque excité.
-Oui je sais ça s'affiche quand tu m'appelles. Que me vaut ce plaisir ? (le suspense est à son comble.)
-Je ne travaille pas les trois jours qui arrivent.
-Alors c'est vraiment hyper intéressant et j'ai très envie de le noter, mais j'ai terminé mon petit carnet et comme on est dimanche j'ai pas pu encore en acheter un nouveau, tu pourras me rappeler pour me le dire ?
-Pauvre type! Je te dis ça pour t'informer que je vais pouvoir me coucher après 20h30 et regarder ça cartoon ce soir jusqu'à la fin.
-Putain mais c'est carrément de la folie furieuse, j'espère que tu l'as relayé sur twitter, facebook et sur copains d'avant! Bon et tu voudrais pas en profiter pour aller lécher un peu de givre au ski plutôt ?
-Ah mais c'est une super idée, j'y avais même pas pensé. Merci de rendre mon quotidien si magique.
-C'est un métier, Gabs. Bon, je m'occupe des formalités. Il me faudra une autorisation de sortie de territoire signée par tes parents s'il te plait."

Ni une ni deux, je plie les gaules (de toute façon, un nuage avait eu le mauvais goût de se pointer et de me voler MON soleil) et je file me connecter sur mes sites préférés (après YouPorn, évidemment). Je trouve un hébergement parfait pour emmener Gabs: "cadre romantique et chaleureux au pied des pistes du plus grand domaine skiable des Pyrénées, avec peau de bête dans la chambre, massage et spa". Je sais par expérience (les lecteurs assidus ont encore en tête l'épisode de la saison précédente à Cauterets de la montagne) que mon acolyte aime les soins corporels en tous genres et j'opte par conséquent pour ce choix dont je me félicite.

Je rappelle mon compagnon et lui donne rendez-vous le lendemain, à 6h au rond point de la boulangerie talençaise de la biche, où je le retrouve après une nuit trop courte. Le GPS indique 3h58 de route, 4h en gros hein, pour rejoindre Soldeu, Andorre, et je décide de prendre le volant en premier, afin de roupiller en deuxième partie de trajet pour être frais sur les pistes. Gabs n'y voit que du feu et accepte.

Le jeune éphèbe me fait la conversation. Majoritairement à base de calembours et autres jeux de mots douteux, mais relativement drôles. "Alors j'aimerais savoir s'il y a des soldes, et où ?". Nous rencontrons des bouchons sur le périphérique toulousain, qui nous retardent une bonne heure. A chaque jeune fille dans une clio, nous klaxonnons. Sans succès. J'aurais du me raser la barbe, je le savais.

Néanmoins, et bouche en plus, nous continuons notre route de plus belle et changeons de conducteur vers Foix de morue. Assez rapidement je m'endors. Je me réveille peu avant le passage de la douane. Rémi transpire. Il a les mains moites. Je le rassure en lui expliquant qu'il n'est pas illégal de ne prendre qu'une douche tous les trois jours et que les douaniers ne s'en rendront même pas compte. Il se calme et nous passons sans embûche de Noël Gallagher.

Nous arrivons à Soldeu, le soleil est là et l'excitation est à son comble. Les chambres ne sont évidemment pas prêtes. Ces feignasses de femmes de ménages préfèrent sûrement fumer au soleil. Bref, nous nous changeons dans des toilettes. Un homme entre, nous voit en caleçons nous tartiner mutuellement de la crème. Il est gêné et ressort aussitôt. Nous sommes fins prêts. Un checking horaire nous suggère de prendre une collation rapide avant d'aller skier pour profiter au maximum des activités de sports d'hiver pour lesquelles nous sommes venus jusqu'ici.

Un sandwich en terrasse, d'une valeur d'un mois de loyer, plus tard, nous chaussons, qui nos skis, qui notre snowboard et prenons le télésiège débrayable 6 places en bas de l'hotel et c'est parti pour une journée de folie.

La neige n'est pas d'une qualité fantastique mais il en faut plus pour effacer les sourires sur nos visages angéliques. Pendant que je descends rapidement quelques pistes rouges pour me chauffer, Gabs fait du chasse neige sur le parc baby pour reprendre son niveau. Une fois que nos muscles répondent présents, plus rien ne peut nous arrêter jusqu'à la fermeture de la station.

Alerte i-Gabs: lorsqu'une station est en fait composée de cinq secteurs, relativement loin les uns des autres, penser à se rapprocher du secteur dont on dépend assez tôt pour éviter de faire 25 km à pied de nuit en chaussures de ski.

Heureusement, cette alerte arrive sur mon téléphone à temps et nous évitons de justesse la catastrophe. Un petit Spa nous ferait alors le plus grand bien. La blonde de la réception ne parle pas un mot de français et je décide de ne faire aucun effort dans la mesure où elle vient de m'indiquer que non seulement le spa est en supplément prohibitif, mais qu'il faut réserver et disposer de ses propres tongs. Ce séjour sera donc (à) sec, Gabs fait la grimace.

Nous montons dans la chambre et nous relaxons chacun sur nos lits, sans aucun contact physique. Je travaille un peu sur mon ordi à des choses importantes pendant que mon ami dort comme un bébé. Dès son réveil nous décidons de prendre une douche et d'aller consommer une boisson gazeuse à base d'alcool et de houblon, dans le lobby de l'hotel sur d'énormes canapés qui m'ont fait un effet boeuf (qui sera le thème de la soirée) lors de mon arrivée.

Je suis saoul en une minute et dix-sept secondes, montre en main. Gabs y voit un lien direct avec le sport de la journée, le peu de sommeil et l'absence de nourriture dans notre organisme. Je trouve qu'il va vite en besogne mais accepte néanmoins son incitation subtile à partir en quête d'un haut lieu de la gastronomie locale où nous restaurer. Deux anglais (qui sont apparemment une population bien représentée dans le coin) nous indiquent une adresse good for steak. Exactement en accord avec les signaux envoyés par mon estomac. L'endroit est cosy malgré une serveuse qui est plus proche d'une porte de prison qu'une employée de restaurant. Gabs et moi commandons la même chose. Un verre de rouge. Une salade de boeuf thaï à la coriandre entrée et un filet de boeuf au poivre en plat. Ils n'avaient pas de sorbet au boeuf ces cons. Pas de dessert du coup. Le repas est un festin délicieux qui ravit nos papilles et nourrit nos organes en manque de forces mais la digestion aussi vite entamée nous frappe d'un violent coup de barre.

Cela ne nous empêche pas de tenter de partir à la rencontre de la nuit andorrane. Le premier bar propose un groupe de rock qui fait des reprises de Kings of Leon à un volume sonore qui, non content d'empêcher toute communication, détériore les tympans. Bref, nous filons à l'autre bar, nommé Aspen.
"Aspen arrivé qu'on a envie d'en partir" s'écrie Gabs lorsqu'il découvre avec stupeur qu'un concours de l'anglais le plus moche est organisé dans ce bar par une blonde à tête de musaraigne. Nous faisons un billard en disposant les boules de manière alétoire car c'est plus drôle. Gabs met assez vite la noire dans le trou. Un ange passe. Il propose d'aller dans un endroit plus calme où on peut s'assoir confortablement et boire une tisane avec un actifed nuit.
Nous arrivons donc rapidement dans le lobby de l'hotel où Gabs reprend avec euphorie les titres d'Elton John joués au piano. Le sommeil me gagne et je file vite au lit.

Le lendemain, un petit déjeuner fantastique nous est proposé, comprenant des oeufs de la charcuterie ibérique ou encore du pamplemousse frais. Un régal. Le ciel est d'un bleu profond et le soleil brille de mille feux. Une journée de rêve nous attend. La nuit a été bénéfique et je sens que mon corps a envie de m'obéir complètement.

C'est parti. Nous prenons le télésiège, apprenons qu'on peut chasser le chamois en Andorre en automne, que Ricardo Bofill est un super architecte et descendons comme des marioles des pistes noires comme l'ébène. Gabs me propose une course.
Je lui demande s'il veut que je mette des raquettes à la place du snow pour qu'il ait une chance de gagner. Il décline ma proposition généreuse.
"-Tu vois ce petit enfant en chasse neige qui a l'air de passer un bon moment sur cette piste noire ?
-Oui, oui.
-Quand il aura atteint le canon à neige, ça sera le top départ."

J'en profite pour prendre deux cafés en bas de la piste et pisser un coup le temps qu'il arrive. La journée est à l'image de cette descente. Rapide. Ephémère. Je ne la vois pas passer, les descentes s'enchaînent plus vite que l'éclair et nous nous surprenons de l'agilité et de la facilité avec lesquelles nous glissons dans la neige immaculée de chèvre. Sur chaque télésiège nous chantons de bon coeur le nom de différents dictateurs sympathiques, sur l'air du dernier single de Chairlift.

Nous regardons ma montre (Gabs a douze couches de gants et ne peux donc pas regarder la sienne). Il est déjà l'heure de se rapprocher de notre secteur. Pas le temps de comprendre ce qu'il se passe, nous sommes déjà dans la voiture. Une larme coule sur le visage de mon copilote. La rêve prend fin. Je le rassure. Ce ne sera pas le dernier. Nous reviendrons. La montagne est à nous. Le monde est mondial.
Gabs se calme et me murmure

"A Tampa le dernier moment pour me faire rêver de nouveau".

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